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du 13 janvier au 19 avril 2009
Guy Tillim , né en 1962 à Johannesburg, est une figure majeure de la scène photographique sud-africaine contemporaine. La Fondation HCB est heureuse d’organiser sa première exposition personnelle en France et de présenter deux séries phares de son travail : Jo’burg et son dernier opus Avenue Patrice Lumumba.
Alors jeune reporter, Guy Tillim prit conscience dans les années 1980 que la photographie pouvait être un moyen de lutter contre le gouffre racial que l’Apartheid avait creusé dans son pays : «L’appareil photo était l’outil idéal pour transcender ces frontières, pour voir ce qui se passait dans mon propre pays». Au fil des années, Tillim a réalisé un travail documentaire d’une force visuelle et historique indéniable, témoignant du conflit social et des inégalités qui y prévalaient. Dans ses images, d es couleurs dures et sombres surgissent d’un fond gris humide, en harmonie imitative avec l’âpreté de ses sujets. Son travail a été abondamment publié dans la presse et dans de nombreux ouvrages – et exposé dans de prestigieux festivals et expositions collectives en Europe ces dernières années, notamment Africa Remix en 2004, PHotoEspaña en 2005 et la Dokumenta XII en 2007. Les deux séries présentées à la Fondation HCB sont composées de photographies couleur; chacune est présentée sur un niveau différent et mise en espace par l’auteur. En vitrine seront également présentés Petros Village et Congo Democratic, deux travaux emblématiques réalisés en 2006.
Jo’burg (2004)
Ville natale de Guy Tillim , Johannesburg a connu avec la fin de l’Apartheid en 1991 une transformation urbaine radicale et très controversée. Tillim s’est intéressé aux oubliés de cette métamorphose : les habitants prisonniers de tours insalubres en attente de reconstruction, qu’il a observés dans leur quotidien. Tillim a photographié des familles, enfants, adolescents, exclus esseulés qui peuplaient ces appartements en décomposition, squattés ou dévastés par la violence encore palpable d’une expulsion – et la ville, fantomatique, du haut de ces tours.
« Les Blancs ont fui le centre de Johannesburg dans les années 1990 : l’abrogation des lois discriminatoires annonçait l’afflux vers les villes des Noirs et des petites gens rêvant d’une vie meilleure. Les anciens habitants avaient prédit une apocalypse – le pillage de leur ville et le chaos absolu. Leur prophétie se réalisa, et fut confirmée par moult témoignages et statistiques. Actrices centrales de cette révolution, les tours, occupées par des locataires qui géraient les bâtiments selon leurs propres règles, sont peu à peu devenues des microcosmes anarchiques. Devant l’absence totale d’autorité morale, nous assistâmes alors à la décadence de Johannesburg. Les fenêtres brisées ne furent jamais remplacées, les cages d’ascenseur se transformèrent en vide-ordures. L’avenir nous dira si Johannesburg est vouée à devenir, à nouveau, une ville de l’exclusion ». (Guy Tillim)
La série Jo ‘burg a remporté le Prix Daimler-Chrysler pour la photographie sud-africaine en 2004 et le Prix Leica Oskar Barnack en 2005. L’ouvrage éponyme (Filigranes/STE Publishers) est devenu un livre rare recherché par les collectionneurs.
Avenue Patrice Lumumba (2008)
« La fragilité de ce paysage étrange et magnifiquement hybride, en lutte contre les calamités qu’il a endurées ces cinquante dernières années, recèle une identité indéniablement africaine. C’est de cette identité dont je me suis emparé. » (Guy Tillim)
Patrice Lumumba, vainqueur des élections au Congo après l’indépendance de la Belgique en 1960, fut l’un des premiers chefs politiques élus d’Afrique. Le discours qu’il prononça lors des célébrations de l’indépendance, en présence du Roi des Belges, fit de lui un héros de la cause africaine : «Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres… Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort». Pour avoir ainsi proclamé son opposition au néocolonialisme occidental, il fut assassiné en janvier 1961. Aujourd’hui encore, dans de nombreuses villes africaines, des rues, des avenues, des places portent son nom.
De 2007 à 2008, Guy Tillim a parcouru tour à tour la République Démocratique du Congo, le Mozambique, Madagascar, le Bénin, le Ghana, l’Angola – et a saisi dans chacun de ces pays le vide visuel laissé par des années de vacuum politique. Ses images montrent les restes de la « grande époque », le non-sens criant de certaines activités et des structures qui lui ont survécu- les piscines vides de palaces abandonnés, des fonctionnaires démunis dans des bureaux en forme de décors de théâtre – l’absurdité beckettienne d’un « après » en mal d’identité. Guy Tillim insiste sur le fait que ces images ne sont pas un témoignage sur l’effondrement des Etats africains postcoloniaux mais une errance photographique « au fil des avenues des rêves » et, notamment, celui de Patrice Lumumba. Ce sujet est également une réflexion personnelle : «La terre où je suis né m’est devenue étrangère à mesure que je la découvrais. Le désir de photographier cette scène est moins lié à la volonté d’en poser le décor que de m’y situer moi-même.»
Avenue Patrice Lumumba a été réalisé avec le soutien de la Bourse Robert Gardner pour la Photographie attribuée pour la première fois par le Peabody Museum de l’Université de Harvard.
Guy Tillim est représenté par la galerie Michael Stevenson au Cap.