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du 19 septembre 2023 au 14 janvier 2024
Lauréate du Prix HCB 2021, Carolyn Drake présente à la Fondation Henri Cartier-Bresson MEN UNTITLED, une nouvelle série photographique explorant son rapport aux idéaux de la masculinité dans la culture américaine. Entre symboles liés à la virilité, autoportraits questionnant son propre rapport au genre et photographies d’hommes « mis à nus », MEN UNTITLED relève d’une démarche aussi introspective que documentaire.
À la suite de Knit Club (2012-2020), une série subversive sur une communauté de femmes dans une petite ville rurale au cœur du Mississippi, Carolyn Drake déplace son regard vers les hommes. Contrairement au premier projet, la photographe élargit la portée de ce travail en le dissociant d’une zone géographique spécifique. Supprimant presque tout signe distinctif lié au lieu, Carolyn Drake invite le spectateur à regarder directement les corps de ces hommes se révélant devant l’objectif de la photographe.
Carolyn Drake est partie d’un constat personnel sur sa propre relation aux hommes, à leurs corps et à la place qui leur est accordée dans la société. En se familiarisant avec ses sujets – invités à collaborer pleinement dans la réalisation de leurs portraits – la photographe finit par questionner à la fois les attentes du spectateur et ses propres perceptions.
« J’ai tourné autour de mon sujet pendant près d’un an avant de me résoudre à l’affronter directement. J’ai passé un certain nombre de mois à repérer des décors, organiser des séances de portrait, chercher des accessoires et engager des assistants, avant de décider que ce dont j’avais vraiment besoin, c’était de faire en sorte que les hommes qui posaient pour moi retirent leurs vêtements.
Bien que je vive à leur contact depuis un demi-siècle, je ne peux pas dire que je suis à l’aise en présence de corps masculins. En vérité, le corps des hommes en tant que sujet n’est pas quelque chose qu’on m’a encouragée à observer, contrairement au corps des femmes. Comme si le fait même de regarder les hommes était fondamentalement dangereux. Leur demander de se dévêtir a introduit une dose de risque qui a stimulé mon imagination de quinquagénaire là où même le désir sexuel continuait chez moi à ne pas en tenir compte.
J’ai photographié surtout des hommes plus âgés que moi. Je trouvais peut-être plus intéressant d’étudier une masculinité sur le déclin que d’admirer des prouesses viriles. Ou peut-être les hommes plus âgés sont-ils plus visiblement vulnérables, ce qui entraîne plus d’empathie de ma part.
Plusieurs d’entre eux se sont déshabillés avec une curiosité aventureuse ; d’autres ont accepté de se dénuder en partie, s’affranchissant de leur pudeur par générosité. D’autres encore ont eu une érection et sont restés immobiles devant moi, préoccupés par la direction de leur regard. L’un d’eux n’a cessé de se pencher en avant pour s’assurer que j’aie une bonne perspective sur son anus.
Lorsque j’ai commencé à écarter les vêtements, les accessoires et les décors, ce qui est resté sous mes yeux était un corps vivant dans l’instant présent, comme le mien. Son autorité s’était volatilisée au moment où j’avais pris la liberté de regarder. »
Carolyn Drake
Commissaire de l’exposition
Clément Chéroux, directeur, Fondation HCB
Avertissement
Certaines images de l’exposition peuvent heurter la sensibilité du jeune public.
Biographie
Carolyn Drake travaille sur des projets photographiques au long cours qui cherchent à interroger les récits historiques dominants et à les réimaginer de manière créative. Sa pratique repose sur la collaboration avec ses sujets et mêle la photographie à la couture, au dessin, au collage et à la sculpture. Son travail questionne le clivage traditionnel entre l’auteur et le sujet, le réel et l’imaginaire, remettant en question les stéréotypes bien établis.
Carolyn Drake est née en Californie et a étudié les médias, la culture et l’histoire au début des années 1990 à l’université de Brown. Après l’obtention de son diplôme à Brown, en 1994, elle s’installe à New York et travaille comme designer de contenu interactif pendant de nombreuses années avant de se consacrer à la photographie.
Entre 2007 et 2013, la photographe voyage régulièrement en Asie centrale, en étant basée à Istanbul, pour travailler sur deux projets au long cours : Two Rivers (2013) et Wild Pigeon (2014). Cette dernière série est acquise par le SFMOMA à San Francisco, qui lui consacre également une exposition en 2018. Dans Internat (2014-2017), Carolyn Drake a travaillé avec des jeunes femmes dans un ancien orphelinat soviétique pour créer des photographies et des peintures. Ce travail a été suivi de Knit Club (TBW Books, 2020), qui est né de sa collaboration avec une communauté de femmes du Mississippi s’appelant vaguement « Knit Club » et a été présélectionné pour le Paris Photo Aperture Book of the Year et les Lucie Photo Book Awards.
Son travail a été récompensé par une bourse Guggenheim, le prix du livre Anamorphosis Prize, la Peter S Reed Foundation, Lightwork, le Do Good Fund, le prix Lange Taylor, la Magnum Foundation, le Pulitzer Center et une bourse Fulbright. Elle est membre de Magnum Photos et est représentée par la galerie Yancey Richardson, New York.
Le Prix HCB
Décerné par la Fondation Henri Cartier-Bresson, le Prix HCB est une aide à la création d’un montant de 35 000 euros qui permet à un·e photographe de réaliser ou de poursuivre un projet ambitieux. Il s’adresse aux photographes ayant déjà accompli un travail significatif dans une sensibilité proche du documentaire. Décerné tous les deux ans, le Prix HCB donne lieu à une exposition à la Fondation HCB et à la publication d’un livre.
Le jury du Prix HCB 2021 a désigné la photographe américaine Carolyn Drake pour son projet MEN UNTITLED. Sa candidature était présentée par Clément Chéroux, alors conservateur en chef (Joel and Anne Ehrenkranz Chief Curator of Photography) du département Photographie au MoMA à New York.
Plus d’informations sur le Prix HCB.
La Fondation d’entreprise Hermès est le mécène du Prix HCB.