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du 18 juin au 29 septembre 2019
De plus en plus sensible au médium photographique, Henri Cartier‑Bresson, alors âgé d’une vingtaine d’années, décide de partir déambuler en Europe. Accompagné de son ami l’écrivain André Pieyre de Mandiargues, il part en voiture, une vieille Buick d’occasion, pour un périple en deux vastes étapes. Commence alors une véritable pérégrination dont le but n’est pas le reportage photographique mais une flânerie insouciante à la découverte des pays voisins ; rien n’est plus étranger à Henri Cartier‑Bresson que l’idée de « passer » quelque part.
En 1931, Henri Cartier‑Bresson et André Pieyre de Mandiargues, optent pour l’Europe du Nord et de l’Est ; ils traversent la Belgique, l’Allemagne, la Pologne et la Hongrie. Le jeune Cartier‑Bresson, toujours animé par cette insouciance éprise de liberté, poursuit ses expériences photographiques. Muni de l’appareil Krauss qu’il avait acheté d’occasion avant son voyage en Afrique l’année précédente et d’un appareil en bois à plaques de verre, il réalise essentiellement des prises de vue de marchés aux puces, de ghettos, de façade de boutiques plutôt statiques. Trop contraignant pour voyager et laissant trop filtrer la lumière, il abandonne ensuite cette technique photographique et achète dès son retour en France un Leica qui ne le quittera plus.
Après une année passée à vagabonder entre Paris et Marseille, les deux amis reprennent la route en 1933, accompagnés de Leonor Fini. Les trois complices vont cette fois choisir l’Italie puis l’Espagne ; un voyage de trois mois qui verra de nombreuses fâcheries et désaccords intellectuels qui s’effaceront avec le temps.
Avec l’Italie (et le Leica), on observe un champ plus vaste, souvent contemplatif, des corps endormis, des paysages écrasés de lumière, l’attirance incontestable pour les lignes. Le voyage en Espagne semble se dérouler dans le même esprit mais marque une étape dans la carrière professionnelle de Cartier‑Bresson. Lors d’un second séjour en novembre de la même année, il décroche sa première exposition au Club Ateneo à Madrid, connait ses premières ventes de tirages grâce à une exposition personnelle à la Galerie Julien Levy (New York), et réalise sa première commande photographique sur les élections en Espagne pour le magazine VU ; en résulte une publication en trois épisodes. Henri Cartier-Bresson prend alors conscience de la violence de son acte photographique, de son côté pickpocket. Cette période charnière marque les prémices d’une carrière brillante.
André Pieyre de Mandiargues écrira plus tard : « Aujourd’hui, je ne me retrouve jamais en face d’Henri Cartier‑Bresson sans penser à ces années 1930, 1931 et suivantes où, au cours de nos voyages en voiture dans toute l’Europe ou de nos divagations dans Paris, j’ai vu naître le plus grand photographe des temps modernes. »